Miron Zlatin

né le 21 septembre 1904

 

Né le 21 septembre 1904 à Orcha (Russie), Miron Zlatin arrive en France où il poursuit des études à l’Institut Agricole de Nancy. Il est diplômé ingénieur en 1927. Le 31 juillet de cette même année, il épouse une jeune étudiante juive polonaise, Sabine Chwast. Il exerce la profession d’aviculteur dans une petite ferme à Landas (Nord).

Sabine et Miron Zlatin sont naturalisés français par décret du 26 juillet 1939. En 1940, afin d’échapper à l’avance allemande, ils rejoignent Montpellier où Sabine s’engage comme infirmière militaire de la Croix-Rouge. En 1941, elle est assistante sociale de lO.S.E. pour le camp d’Agde et sort des enfants de réfugiés étrangers et juifs.

Après l’occupation de la zone sud par les troupes allemandes, Sabine et Miron Zlatin prennent en charge un groupe d’enfants, dont Théo Reis, pour rejoindre la zone italienne et créer la “Colonie des enfants réfugiés de l’Hérault” à Izieu, dans le département de l’Ain.

Après avoir accueilli et protégé une centaine d’enfants juifs durant l’année de son existence, la colonie sera raflée par Klaus Barbie, le 6 avril 1944. Quarante-deux enfants et le personnel d’encadrement seront déportés à Auschwitz. Miron Zlatin et les deux adolescents Théo Reis et Arnold Hirsch seront déportés le 15 mai 1944 par le convoi n° 73 vers les Pays Baltes.

À son retour de déportation, Léon Schneck, rescapé du convoi, a témoigné : ayant la fait la connaissance de Miron Zlatin au camp de Reval, en Prusse Orientale (aujourd’hui Tallinn, en Estonie), il a été témoin du départ de celui-ci, un jour de la fin du mois de juillet 1944, avec un groupe de déportés qui devaient soi-disant aller abattre des arbres dans une forêt voisine. Aucun d’eux n’est rentré à l’heure du déjeuner…

Samuel Pintel


Œuvre de Secours aux Enfants. La plus connue des œuvres philanthropiques pour les enfants, créée en Russie après la Révolution. (NDLR)

Cf. l’histoire de la maison d’enfants d’Izieu, dans "Nous sommes 900 Français".

 

Témoignage de Léon Schneck

 

Miron Zlatin
(source : Fonds Paul Niedermann - Archives Nationales)

 

Je me souviens…

Pendant ces années sombres, Theo était mon meilleur ami3. Nous étions originaires de la même région, nous parlions le même dialecte. Tous deux déportés du Pays de Bade au sinistre camp de Gurs, puis au camp de Rivesaltes, nous nous sommes retrouvés dans presque toutes nos “planques”.

Nous nous trouvions dans le Lot et Garonne en 1943, lorsqu’une lettre de Sabine Zlatin nous parvint pour nous demander de venir à Izieu parce qu’il fallait s’occuper du potager. Il y avait une cinquantaine de bouches à nourrir, ce qui n’était pas simple à l’époque. Nous n’avions pas de papiers et nous parlions un français très approximatif avec un fort accent allemand, ce qui ne nous permettait pas de voyager seuls. Pour ces raisons, Renée Paillarès, voisine de Sabine Zlatin à Montpellier, vint nous chercher et nous accompagna jusqu’à l’arrêt du car à Brégnier-Cordon. À partir de là, il nous restait à gagner Izieu (environ 3,5 km) à pied.

À cette époque, on déportait les enfants à partir de quinze ans, et j’étais très grand pour mon âge. On craignait que j’attire l’attention à cause de ma taille, et c’est pourquoi on me fit repartir un peu plus tard. Mais Théo, plus petit que moi, fut autorisé à rester et tomba ainsi entre les griffes de Barbie. Nous nous étions tous donné rendez-vous pour “après”, mais je n’ai retrouvé qu’un seul de mes amis de là-bas, à l’occasion de l’arrestation du “boucher de Lyon”, en 1983.

Dans ce même contexte, je dois également évoquer le souvenir de Miron Zlatin. Après mon évasion du camp de Rivesaltes, en avril 1942, je suis passé, comme tant d’autres, à la maison d’enfants de l’OSE, à Palavas-les-Flots. Comme ne savait quoi faire d’un gamin de quatorze ans qui ne parlait que l’allemand, Miron Zlatin me prit “sous son aile”, dans son exploitation avicole de Montpellier. Je lui dois sans aucun doute l’amour du travail bien fait, et mes premiers tâtonnements dans la langue française.

C’était un homme peu loquace mais d’une très grande bonté. En fait, j’ai passé la majeure partie de l’année 1942 avec lui : lorsque les Allemands occupèrent la France dite libre, en novembre 1942, la direction de l’OSE ainsi que Miron Zlatin et quelques autres personnes, se sont repliés provisoirement à Vic-sur-Cère, en Auvergne. Miron Zlatin et moi y sommes partis ensemble, et mon ami Theo nous rejoignit. Miron Zlatin s’occupait de l’intendance d’une maison d’enfants de l’OSE, installée au Touring Hôtel, près de la gare de Vic. Yanka (Sabine Zlatin) me fit revenir à Montpellier pour me trouver des faux papiers avant de me faire rejoindre une autre maison de l’OSE, en Corrèze. À la liquidation de celle-ci, on m’envoya au domaine de la Roche, à Penne d’Agenais (Lot-et-Garonne), ferme-école appartenant à l’ORT, où je devais me cacher pendant quelques mois avant de rejoindre Izieu, à la demande de Miron et Sabine Zlatin.

Pendant cette période, Miron Zlatin a sans doute remplacé ce père qui m’a si cruellement fait défaut. Et il est impossible d’oublier ce genre de choses…

Paul Niedermann

 

Paul Niedermann Miron Zlatin Theo Reis

Janvier 1943 - Vic-sur-Cère
(Source : Fonds Paul Niedermann - Archives Nationales)

 

Miron Zlatin - Certificat de non rapatriement au 29 mai 1946

 

Une lettre de Miron Zlatin à sa femme

Izieu le 30 novembre 1943

Ma chère Sabine,

Comment vas-tu ? J’attends ton retour probablement samedi. J’espère que tu arriveras dans un état pas trop mauvais. En tout cas il faudra que tu te reposes ici comme il faut.

En ce qui concerne les gosses, je t’envoie par Suzanne la liste. Comme tu vois, nous ne sommes plus effectivement que 39, soit même 37 sans Théo et Jean-Pierre. Ce n’est pas beaucoup, car il y a pas mal de frais généraux et notamment le chauffage, etc. Il aurait fallu avoir davantage d’enfants. On n’a rien reçu de la Préfecture.

En passant à Chambéry, n’oublie pas de réclamer les cartes d’alimentation avec tickets de décembre des deux garçons : Samuel et Marcel, arrivés ici le 18, de même que leurs cartes de lait, savon et P de T.

Pour la première quinzaine de pain que tu m’as envoyée, je n’ai pas pu toucher du pain. Je l’ai donc dépensé à Billiemaz pour des farines composées.

En ce qui concerne les légumes, il y avait 150 à 200 g de raves et navets et 3 à 400 g de courges, ainsi que 2-3 kg de carottes, autant de choux, 1 ou 2 poireaux, et 5-6 pommes de terre (unités et non kilos). La chose se présentait ainsi : on a collecté à Brégnier et Izieu pour le Secours National. Celui-ci a dit de distribuer les légumes collectés aux indigents de la commune. On a donc distribué la majeure partie et ce qui restait on nous les a donnés.

Il faudrait que je sache si nous étions nommément désignés par le Secours National, ou si c’est simplement des légumes qui sont restés, faute d’amateurs ? Enfin, au cheval donné on ne regarde pas les dents…

Je viens de recevoir un bon pour 90 boîtes de 1/2 kg de petits pois extra-fins, prendre à Bellegarde.

Dernièrement, j’ai acheté un peu de P de T. Actuellement, j’en ai plus d’une tonne, mais on doit m’en livrer encore. J’aurai ainsi 2 à 2 tonnes et demi.

J’ai reçu hier ma marmite en aluminium de 30 litres.

Si la chose est possible, j’aurais bien voulu avoir de Montpellier ma balance romaine. En ce qui concerne les poêles, le grand poêle qui était dans le réfectoire et que j’ai monté au grand dortoir, fume toujours. Peut-être pourrait-on avoir de Montpellier ma grande éleveuse (genre Nationale), qui a déjà servi à Jacou ? Qu’en penses-tu ?

Est-ce qu’on trouve quelque chose comme chaussons ou pantoufles pour moi ? Si je pouvais en avoir une paire, ça me ferait grand plaisir. J’ai cherché dans l’armoire les patins achetés par Henri, pour m’en confectionner une paire, mais je ne les ai pas trouvés.

D’autre part, qu’est-ce qui est resté avec mon costume coupé ? Tout cela si tu te sens bien, sinon ne t’en occupe pas.

Je finis pour aujourd’hui. À bientôt. Je t’embrasse fort.

Ton Miron.

(source : Fonds Sabine Zatin – Archives Nationales)