Paul Cisinski était mon oncle. Cet oncle, maman, qui est sa sœur, m’en a toujours parlé. Des liens très forts les unissaient. Paul était son cadet de cinq ans, le plus jeune des quatre enfants.
La famille, originaire de Varsovie, est arrivée en France en 1920. Ils ont vécu à Paris, rue Alphand, dans le XIIIe arrondissement. Mon grand-père, tailleur, faisait du travail à façon, à domicile. Comme pour beaucoup, c’était une vie pauvre et difficile. Néanmoins, Paul a pu poursuivre ses études, jusqu’au brevet élémentaire, soutenu par sa sœur. Ensuite, il a travaillé avec son père.
À la déclaration de la guerre, il est mobilisé le 15 novembre 1939 dans l’armée de l’air. Il est basé à Tours, puis à Clermont-Ferrand, puis en août, à Vichy-Rhue. Il y reste jusqu’en décembre 1941. À cette époque, son adresse change, il est à Pau, où il a dû être démobilisé.
À la mi-1942, il est à Toulouse avec deux cousins. Maman a récupéré des lettres où l’on suit un peu sa trace à diverses adresses. Il reste à Toulouse, ou dans les environs, et gagne sa vie en faisant les marchés, et peut-être un peu de couture.
À cette époque, d’après la correspondance, il s’efforce de faire venir ses parents, ainsi que ma mère et moi-même, en zone sud. Ce sera trop tard pour ses parents, déportés le 21 septembre 1942 par le convoi 35. Ma mère, quant à elle, a rejoint la Résistance (Francs-Tireurs Partisans) , après la rafle du Vél d’Hiv.
Paul Cisinsky à Vichy, en 1940 ou 1941
En 1942-1943, mon oncle Paul a, à plusieurs reprises, payé une partie de ma pension d’enfant cachée. Je me souviens d’avoir reçu des jouets de sa part, pour Noël 1943. La correspondance qu’il échange avec sa sœur montre un jeune homme affectueux, très attaché à sa famille, courageux et gardant espoir en l’avenir.
Il a été arrêté dans une chambre d’hôtel, à Toulouse ou dans ses environs, transféré à Drancy le 14 mai 1944 et déporté le 15 mai dans le convoi 73. Il avait vingt-sept ans.
Mon oncle aimait les lilas, et j’ai toujours vu ma mère mettre, au printemps, une branche de lilas dans un vase. Je fais ce geste, à mon tour, mes enfants savent pourquoi.
Monique Ascher-Vidal
sa nièce
