Gilod Rubin

né le 18 janvier 1923

 


1er septembre 1941,Gilod Rubin et Carmen Labrunie de retour de vacances, dans la forêt de Montmorency.

« - Gilod ? C’est pas un prénom, ça, Reb Rubin ! ». L’objection n’y fit rien et le sixième et dernier enfant de Lejbus Rubin, petit industriel qui se trouvait à la tête d’une fabrique de quincaillerie employant quinze personnes, s’appellera bel et bien comme la fameuse montagne, aux pieds de laquelle les tribus de Gad et Ruben s’étaient installées, à la suite du départ d’Égypte.

Mon grand-père, arrière-petit-fils du Rav Itzhaq Israël Klinger, grand rabbin de Mlawa (Pologne) au début du XIXe siècle, était resté froum. Même quand il sera à Paris, au 15 rue Charles Friedel, il transformera chaque année la cour intérieure de l’immeuble en cabane pour les fêtes de Souccoth.

Ce quartier parisien était comme un prolongement du pletzel et le grand-père, qui y avait ouvert un cabinet de conseil juridique, faisait un peu fonction de bet din auprès des Juifs pas très portés sur la fréquentation de la synagogue. Le Bund et le P.C.F. (la M.O.I. notamment), la S.F.I.O., les différents groupements qui s’opposaient, d’un point de vue socialiste, aux sociaux-démocrates et refusaient la férule de Staline, les éléments Poalé-tzioniste formaient le réseau du prolétariat juif, particulièrement présent parmi les immigrés, principalement polonais, du XXe arrondissement de Paris.

 

1937, classe de fin d’études de l’école communale de garçons, rue Olivier Métra (Paris 20e).
Gilod Rubin est au deuxième rang, le cinquième de g. à dr.
Son ami Jacques (Israël Borensztajn) est près de lui, le quatrième (de g. à dr.).

 

Après la crise de 1929 en Pologne, la fabrique du grand-père périclitera. Aucun moyen de faire vivre correctement sa famille ne lui paraissant plus possible sur cette terre où sa famille s’était installée plusieurs siècles plus tôt, Lejbus Rubin vint en France en 1931, seul d’abord. Début 1934, il fit venir son épouse, Malka Brucha, fille de Syja Waldman, le “Boussac d’Ozorchow”, dont elle était l’un des dix-huit enfants.

Mon père resta quelques mois à Varsovie sans ses parents, ses frères et sœurs lui en tenant lieu. À la fin du printemps 1934, mes grands-parents employèrent la ruse pour faire venir leur plus jeune fils, puisqu’il n’avait pas été possible d’obtenir sa venue légale. La grand-mère obtint d’une petite cousine qui allait se marier avec un juif installé à Vitry-le-François, qu’elle fasse inscrire mon père sur son passeport comme étant son fils de dix ans. Dans le train vers Paris, un voyageur s’étonna :

- Tu es tout seul dans ce train, mon petit ?

- Non, Monsieur, répondit mon père. Je suis avec eux, mais eux (le futur couple Rzepkowicz) ils ne sont pas avec moi.

Comme son père, qui parlait sept langues, et comme son grand-père Zelman Rubin, qui avait voyagé en Égypte et en Palestine à l’époque de l’Empire ottoman, mon père était plutôt doué pour les langues. En Pologne, il en avait acquis quatre : la Mamé Loschen (le yiddish) qu’il affectionnait particulièrement (et je suis sûr qu’il a dû me parler dans cette langue quand j’étais dans le ventre de ma mère, tant elle me procure des impressions de déjà entendu, alors que je m’y suis mis seulement il y a cinq ou six ans), le polonais, l’allemand et l’hébreu.

À Paris, l’école communale, les voisins, les copains lui apportèrent la langue de Molière, Victor Hugo, Zola et Jean Jaurès. Le 10 juillet 1935, Gilod ayant terminé l’année scolaire premier de la classe, “un membre de la famille Rubin sera invité à la remise des prix”. À la fin de chaque année scolaire, mon père recevra un livre magnifique pour récompenser son travail.

À l’école, mon père s’était fait un ami, Jacques Israël Borensztajn (Jacques était son prénom usuel). Avec lui, son frère Armand, ma mère (Carmen Labrunie), Ginette (arrêtée le 16 juillet 1942 et déportée), Mina Znirminska (venue de Lituanie, arrêtée le 16 juillet 1942 et déportée le 9 décembre 1942), et ma tante Suzanne, la plus jeune sœur de mon père, ils formeront une bande d’inséparables.

C’étaient des admirateurs de Charles Trenet, “toujours swing” pour reprendre une expression de mon père. Si mon père était “swing”, moderne, il restait juif au sens d’un attachement profond, indéracinable, à des normes morales et culturelles. Contradictions ? En 1938, il ira à Strasbourg, étudier à la Yeshiva. Peut-être en contradiction avec sa foi juive, il aima pour la vie une jeune fille non juive. Mais ils avaient convenu, alors qu’elle avait à peine quinze ans et lui dix-sept, qu’elle le rejoindrait dans le judaïsme.

Ma mère, Carmen Labrunie, est née à Doullens le 21 septembre 1925, de Marie Eugénie Coince, née à Remiremont (Vosges), qui m’a apporté beaucoup d’amour et a toujours gardé au mur de sa chambre une grande photo encadrée de mon père.

 

 

« Paris le 27 juillet 1941 - Dimanche à 3 h de l’après-midi en face de la plage de Maisons-Alfort,
Jacques, Suzanne, Madeleine, ma petite Carmen et moi » (de dr. à gauche, Gilod étant au centre, à l’arrière)

 

Dans l’une des lettres qu’ils s’envoyaient presque journellement, entre le 26 juin 1942 et le 24 janvier 1943, mon père répondait à ma mère : “… Non, en aucun cas, jamais je ne me convertirai, quoi qu’il m’en coûte ; et puis est-ce qu’il n’est pas convenu que je te le demanderai… Si je le faisais, je ne pourrais plus regarder mes parents”.

Je ne dirais pas que mes grands-parents n’auraient pas préféré que leur fils aime une jeune fille juive, mais ils respecteront le choix de leur fils. Lejbus Rubin fut le premier à dire à son fils : “Puisqu’il en est ainsi, voyez-vous à la maison plutôt que dans la rue”, ainsi que me l’a raconté ma tante Suzanne.

Ma grand-mère tentera bien de dissuader son fils. Elle lui proposera même une seconde motocyclette, sans résultat. Alors, elle accepta que ma mère entre dans sa famille.

La nuit du 15 au 16 juillet 1942, ma mère resta chez mes grands-parents. Dans la journée du 15 juillet, un commissaire de police était venu prévenir mon grand-père : “Monsieur Rubin, demain il va se passer des choses terribles contre les Juifs”. Mon grand-père ramassa ses papiers de famille, les réunit avec la petite somme qu’il avait chez lui et confia le tout à ma mère. Le 16 juillet, elle était encore chez eux quand la police est venue les chercher. Elle m’a rapporté certains comportements odieux, tel ce policier qui interdit à ma grand-mère de se couvrir la tête d’un chapeau : “Là où tu vas, tu n’en auras pas besoin !”. Très pieuse, ma grand-mère ne concevait pas de sortir tête nue. Elle se couvrit d’un fichu. D’autres scènes pénibles se produisirent dans le quartier, en particulier dans le passage du 43 rue Pixérécourt, où un policier fit cette menace à une grand-mère presque impotente : “Si tu te dépêches pas, c’est les Boches qui viendront te chercher, avec eux ce sera la schlague”…

Le 16 juillet 1942, ma grand-mère avait caché M. Borensztajn, le père de Jacques et Armand , les copains “toujours swing”. Il échappa au coup de filet et put rejoindre son fils en province jusqu’à la fin de la guerre.

Mes grands-parents : Lejbus Rubin, fils de Zelman Rubin, né à Grojca (Pologne) et de Ruchla Rubin, née Klinger, en 1857 à Plawno (Mlawa, Pologne). Malka Brucha Rubin, fille de Szja et Liba Waldman, d’Ozorchow (Pologne). Ils partiront le 22 juillet 1942 pour Auschwitz, avec leur fille aînée, Sulamita, épouse Mirowski. Elle avait travaillé à Varsovie dans l’équipe qui confectionnait, avec Janusz Korszak, une revue pour la jeunesse.

 

 

De g. à dr. : Gilod Rubin, Jacques et Armand Borensztajn

 

Le 26 juin 1942, mon père et Israël Borensztajn passaient en zone sud, à Lyon, où ils furent accueillis par les Frycher, parents de mon grand-père. Ils y rencontrèrent une demi-sœur de mon grand-père, Salka Ast et sa fille Solange. Toutes deux ont été déportées à Auschwitz par le convoi n° 60 du 7 octobre 1943, avec l’oncle Alfred Ast et Marco, le plus jeune des deux enfants Ast.

À Lyon, Gilod et Jacques chercheront du travail. Pas facile pour des Juifs. Ils purent tout de même se faire embaucher sur la voie du chemin de fer. C’était un pénible travail de nuit, pour charger et décharger des wagons de marchandises. Ils trouvèrent ensuite un travail dans le cadre du “retour à la terre”, chez les Blin, des cultivateurs de coings près de Châteauroux. Dur labeur qui dura deux mois (juillet et août 1942) mais ils étaient bien nourris, convenablement logés et bien considérés. C’est là que leur parvinrent des échos de la rafle du 16 juillet 1942. Dans une lettre, mon père interroge ma mère :

- Que se passe-t-il à Paris ? Que deviennent nos parents ?

Ma mère répondit par un pieux mensonge : - Il ne se passe rien. Tout va bien.

Après le retour à la terre, le retour à Lyon, puis nouveau départ, pour Saint-Étienne, cette fois, et ensuite Marseille. Mon père y trouve refuge chez Suzanne et Paul Malapa, sa sœur et son beau-frère. Avec l’aide financière et les relations de Paul Malapa, avec un extrait de naissance au nom de Gaston Guichard, que lui avait envoyé Israël Borensztajn, mon père put se faire établir une carte d’identité avec un nom français, et les tampons officiels sur sa propre photo.

Il était presque en règle muni de cette identité française et il revint vivre en région parisienne, y trouvant un emploi, puis un logement où il s’installa avec ma mère de janvier 1944 jusqu’à son arrestation, le 2 avril 1944. Ma mère raconte :

On avait décidé d’aller voir ta grand-mère au 43 rue Pixérécourt. Nous sommes descendus à la station de métro Pelleport. En remontant la rue Pelleport, ton père aperçut sur l’autre trottoir un jeune Juif polonais qu’il connaissait. Ils se firent un petit signe. À ce moment, Gilod m’a dit : “Carmen, j’ai eu de la chance, tout de même”. Tu sais, j’ai eu un pressentiment, je lui ai serré le bras, comme pour déjouer le mauvais sort. On a passé la soirée avec ta grand-mère. Alors que nous nous apprêtions à partir, on a frappé à la porte. « Police ! Ouvrez ! ». Tu ne peux imaginer ce que j’ai ressenti à cet instant. Tout s’écroulait. Grand-mère est allée leur ouvrir. Les policiers, deux inspecteurs, lui ont demandé :

- Monsieur Gilod Rubin ?

- Non, il n’y a pas de Gilod Rubin ici !

- Vous avez de bien mauvais voisins, Madame !

et ils sont entrés. Gilod leur a montré ses papiers, mais ça n’a servi à rien.

- Suivez-nous.

Je leur ai demandé si je pourrais le revoir.

- Demain, si vous venez, vous pourrez le voir au Palais de justice.

Les deux inspecteurs ont emmené ton père au commissariat de l’avenue Gambetta, où il a passé la nuit dans une cellule. Le lendemain, je suis allée au Palais de justice. Un avocat est venu me questionner. Après l’audition de Gilod par les magistrats, il était confiant. On a passé un peu de temps ensemble. Ton père croyait qu’il allait être condamné pour les faux papiers et finir la guerre en prison de droit commun. Ça ne s’est pas passé comme ça. Ils l’ont emmené à Drancy.

 

 

Gilod Rubin et Carmen Labrunie sur la Canebière (Marseille) - septembre 1943

 

J’ai eu à nouveau de l’espoir après les bombardements de Noisy-le-Sec. Ils l’ont réquisitionné pour les déblaiements. Quelqu’un m’a fait parvenir un mot qu’il avait griffonné et laissé sur place avec mon adresse. Dans ce mot, il expliquait ce qui s’était passé, qu’il avait raté l’occasion de s’évader, que les gendarmes avaient formé un cordon assez loin autour, à cause des explosions, et que les quelques Allemands présents s’étaient tenus encore plus éloignés. Il espérait ressortir pour ce travail et s’évader. Mais il n’y a pas eu d’autre occasion.

Le même gendarme m’apportait de temps à autre des nouvelles de ton père et de ton parrain. J’ai même transmis de ses nouvelles à une de ses vieilles tantes qui habitait avenue Parmentier. C’est comme ça que j’ai su qu’il s’était fait un ami, et qu’ils avaient décidé qu’après, quand ils seraient de nouveau libres, il deviendrait ton parrain.

Ton père m’a demandé de te donner le prénom de cet ami. Je l’ai fait en t’appelant Alain et je t’ai fait circoncire pour que tu puisses devenir juif. C’était sa volonté.

Ma mère poursuit : le 15 mai 1944, j’étais là. Le gendarme m’avait prévenue du départ. Il y avait aussi quelqu’un qui prenait des photos en se cachant. J’ai pensé que c’était sûrement quelqu’un de la Résistance.

Quand ils sont sortis, nous nous sommes aperçus, ton père et moi. On s’est regardés. Ça a été la dernière fois. J’y pense toujours. J’ai attendu, et parfois j’espère encore. Je rêve qu’il s’est évadé, qu’on l’a aidé et qu’il s’est fait une nouvelle vie chez ces gens, là-bas. Je l’aime toujours et je préférerais cela à l’autre chose affreuse.

 

 

Archives de la Préfecture de Police :
Rubin Gilod - Entré le 3.4.44 à 19 h. Sorti le 4.4.44 à 15 h.
Conduit à Drancy Motif de l’arrestation  : Juif

 

Je reprends la parole.

Bien que mariée en 1948 avec un homme qui m’a reconnu, ma mère rêve. Moi aussi, j’ai longtemps rêvé. L’ignorance du sort du convoi 73 m’a longtemps laissé des espoirs. N’ayant pas été élevé dans une famille juive, jusqu’à il y a peu, j’ai tout ignoré des règles de vie juive, du Kaddish en particulier. Mon judaïsme, c’était de me sentir membre d’un peuple que la barbarie industrialisée avait cherché à anéantir, et de me reconnaître dans le message de solidarité sociale de ceux que je considérais comme ses enfants les plus doués : Marx, Rosa Luxembourg, Ferdinand Lassalle, Henri Heine, les organisateurs du soulèvement de la jeunesse du ghetto de Varsovie… La lecture des lettres de mon père a modifié sensiblement mon approche du judaïsme et ma façon de m’y attacher.

Le 28 juillet 1984, le lendemain de la naissance de mon fils aîné, je suis allé à l’état civil de la mairie. Sa mère l’avait appelé Francis ; je lui ai donné un second prénom, Gilod, le nom de cette montagne, gardienne de sources abondant le Jourdain.

Six ans après, pour mon second fils, j’ai répété l’opération de devoir de mémoire en lui donnant le prénom usuel de mon père en deuxième prénom : Gilles, et le prénom usuel de mon grand-père en troisième prénom : Léo.

J’essaie d’intéresser mes enfants. Je leur parle de leurs ancêtres sortis d’Égypte en rejetant la condition d’esclave. Je voudrais les initier au yiddish à partir de la musique et de ce que j’ai pu découvrir par moi-même de cette langue, si particulière “qu’avec elle on ne peut commander une armée”, comme s’en félicitait Bashevis Singer.

Gilod, nous sommes là ! Mir zeinen do !
Ne dis jamais que tu vas ton dernier chemin. Zog nit keinmal du geït daïn letstn veg.

Ta sœur Suzanne a donné naissance à sept enfants, qui eux-mêmes ont des enfants.

Ton neveu Serge a donné à l’un de ses fils ton prénom, dans sa version hébraïque : Gilad.

Tes nièces : Tamara, née comme moi le 10 juillet 1944, au Kazakhstan, a deux enfants ; Noémie en a trois, dont un peintre talentueux, et Cécile-Anne a adopté une petite Rivka qui est devenue une belle et intéressante jeune fille ; Ruth a un fils, Michaël, comme toi passionné de mécanique.

Je crois que j’ai tout dit.

Je ne voudrais pas oublier Alain Kahn, qui fit partie, lui aussi, du convoi 73. Mon père et lui avaient décidé qu’il serait mon parrain. De lui, je n’ai ni photo, ni lettre. J’aimerais cependant que son souvenir reste associé à celui de mon père. Tous deux forment un seul dans ma mémoire : le père et le parrain que l’on m’a tués, parce que juifs.

Son fils

Alain

 

 

Des internés à Beaune-la-Rolande (1941 ou 1942)
Le premier, en haut, à gauche, est Armand Borensztajn

 

3 avril 1944, écrit de la prison de la Conciergerie, la veille de l'internement à Drancy


Gilod est la forme yiddish de Gilad, qui provient du nom d’une région et d’une montagne, sur la rive gauche du Jourdain. Gilod se trouve aussi écrit Gilaad ou Galaad.

Froum : religieux, en yiddish. (N.D.L.R.)

Nom d’un quartier de Paris où, entre les deux guerres, vivaient et travaillaient de nombreux Juifs (le 3e et le 4e arrondisse-ment de Paris, quartier du Marais).

Bet din : tribunal de droit juif. (N.D.L.R.)

Bund : parti socialiste juif fondé en Russie en 1897, actif en Pologne jusqu’en 1948. (N.D.L.R.)

Poalé-Tzion, courant socialiste du sionisme en Pologne et en zone de résidence de l’Empire tsariste. Ce parti se réclamait du marxisme, selon les conceptions de Ber Bochorov relatives à la question de la structure particulière du peuple juif diasporisé. En sont issus des courants sionistes socialistes israéliens. En Pologne, Emmanuel Ringelblum (fusillé avec sa famille le 7 mars 1944), qui fut l’artisan et le principal rédacteur des “Chroniques” du ghetto de Varsovie jusqu’à son anéantissement, était membre du Poalé-tzion de gauche.

Alors qu’il vivait à Levallois avec ma mère, sous une fausse identité, mon père portait la kippa (ou la yarmoulka) dès qu’il se retrouvait chez lui. Ma mère raconte cette anecdote : “Un soir, notre propriétaire est passé nous voir, sans prévenir. Il a trouvé ton père avec sa kippa sur la tête, il s’est étonné de ce « curieux petit chapeau ». Gilod lui a simplement répondu : “Oui, c’est un petit chapeau”. Ainsi, depuis qu’il avait quitté ses parents, le 26 juin 1942, qu’il avait pérégriné un peu partout avant de s’installer chez lui avec ma mère, vivant illégalement, sans jamais porter l’étoile de David sur ses vêtements, il ne s’était jamais séparé de ce signe visible de sa foi et de son appartenance à un peuple interdit de cité. Il ne portait pas l’étoile obligatoirement cousue sur les vêtements, mais la gardait volontairement à l’intérieur de sa poche et sur sa tête quand il se retrouvait avec lui-même et avec la femme qu’il avait choisie.

Armand Borensztajn a été arrêté à Paris lors des rafles de 1941. Interné à Beaune-la-Rolande, il a été transféré à Drancy et déporté à Auschwitz par le convoi n° 6 du 16 juillet 1942.

Leur nom est inscrit sur la plaque commémorative à la synagogue de Reims (cf. p. 470).

Il s’agit de Robert Charles Fillion, né le 18 mai 1922.