Francis Meyer |
J’ai quitté ma famille parisienne, réfugiée à Nice (mon père, ma mère, mon frère et ma grand-mère) en décembre 1942, lorsque nous avons été obligés de faire apposer le tampon « Juif » sur nos cartes d’identité. Je me suis évadé de France par l’Espagne, où j’ai été interné au camp de concentration de Miranda de Ebro. Libéré en septembre 1943 vers le Maroc, je me suis engagé aussitôt à Casablanca, dans une unité de chars de la 2e DB (division Leclerc). Je n’avais donc reçu aucune nouvelle de ma famille depuis mon départ. C'est en libérant Paris, le 25 août 1944, que j’ai pu avoir des nouvelles des miens, grâce à une amie d’enfance qui les vit quelques jours à Drancy. Mais elle et ses parents ne furent pas déportés. Voici ce qu’elle me raconta. J’y ajoute quelques souvenirs personnels. Mon père, comme officier gestionnaire du Service de Santé, dirigeait pendant la guerre de 39/40 l’hôpital militaire de Vienne, dans l’Isère. Contacté à Nice par une femme affiliée à l’Intelligence Service, en 1942, il reçut pour mission d’organiser des bases secrètes pour soigner les blessés de la Résistance (médicaments, instruments chirurgicaux et personnel spécialisé). Cette femme, « la teinturière de la rue Dalpozzo », était mariée à un Juif. La Gestapo menaçant de le déporter, elle joua le double jeu et, pour prouver sa bonne foi, elle vendit des Juifs, dont mon père, aux Allemands. C’était en mars 1944, et pour continuer à paraître une Résistante, elle fit croire à ma mère que l’arrestation de mon père à la prison de Nice était provisoire, et qu’avec de l’argent, des vêtements, des vivres, elle arriverait à le faire libérer rapidement. Cela dura trois semaines… lorsque ma mère reçut une carte-lettre jetée par la fenêtre d’un train et aimablement postée par une personne compatissante, dans laquelle mon père lui apprenait qu’il était envoyé à Drancy. Mon jeune frère Francis, furieux de cette traîtrise, alla voir la teinturière et la menaça de la “faire descendre par la Résistance” si son père ne revenait pas immédiatement. Le soir même, ma mère, mon frère et ma grand-mère étaient arrêtés, envoyés à Drancy où ils retrouvèrent mon père. La teinturière fut fusillée après la guerre ; elle avait aussi vendu des maquis. Mon père Jean Meyer (48 ans), ma mère Simone née Halphen (46 ans) et ma grand-mère Alice Halphen née Helft (69 ans) furent déportés à Auschwitz par le convoi n° 72 du 29 avril 1944. Aucun d’entre eux ne revint. Quant à mon frère Francis, mon amie d’enfance m’expliqua qu’elle aurait réussi à le faire rayer de ce départ pour l’inscrire à celui du 15 mai, qui ne devait emmener que des hommes valides âgés de dix-huit à quarante-cinq ans, pour aller travailler en Allemagne ! Nous en connaissons aujourd’hui l’horrible finalité. Pierre Meyer |
Francis Meyer |
Francis et ses parents - Nice (1943) |
Les trois frèresMeyer De gauche à droite : Michel, Pierre, Francis |
Pierre Meyer (avril 1944) |
Michel Meyer (avril 1944) |
Pierre et Michel Meyer au 501e Régiment de Chars de Combat (501e R.C.C.) dela 2e DB (division Leclerc) à l'entraînement pour le débarquement en France Angleterre (avril-mai 1944) |
Alice Halphen, grand-mère de Francis Nice (1943) |
Le livret de famille |
La troupe Ferber des Éclaireurs de France (Lycée du Parc Impérial) - Nice (1942) Francis Meyer est le deuxième au dernier rang, en haut, à droite. Jean Jacob, frère de Mme Simone Veil, est le second à l'avant-dernier rang, en haut, à droite. Cette photo a été transmise par Maurice Pluntz, premier au deuxième rang, en haut, à droite. |