Lettre de Jacob Reder à sa femme

 

La dernière lettre de Jacob Reder à sa famille


Drancy, le 14/5/1944

Ma chérie,

Demain, le 15 mai 1944, nous quittons Drancy ; destination inconnue ; mais il paraît que ce sera l’Allemagne. Nous ne connaissons pas notre sort, et qui sait ? Mais je garde l’espoir de revoir certainement mes enfants chéris. Parce qu’à part eux, je n’ai plus rien.

Renée, ma petite fille, je t’ai quittée sans un adieu et, même si en ce moment je ne suis pas loin de toi, ta pensée ne me quitte pas, et je pense sans cesse à toi, où tu es, ce que tu fais, et qui joue avec toi maintenant. Maintenant tu es restée seule et moi je serai loin de toi et tu resteras dans ma mémoire. Ma petite fille, je t’embrasse, et souviens-toi que ton Papa ne t’oubliera jamais. Je t’embrasse très fort et te serre contre moi.


Mon cher petit Marcel,

Malgré tes quatorze ans tu es encore un grand enfant, tu comprendras certainement notre destinée. Sois gentil avec ta maman et ta petite sœur, dis à Renée que Papa pense toujours à elle et embrasse-la bien. Je t’embrasse bien fort, avec l’espoir qu’on se reverra bientôt.


Henriette (Osna),

Pardonne-moi pour tout. Prends bien soin des enfants, et surtout prends bien soin de toi, pour que tu ne tombes pas entre leurs pattes. Je suis ici parce que c’est mon sort. Ils m’ont pris quand je descendais de chez Madame Andze, et s’ils te prennent je n’aurai presque plus rien au monde. Surveille les enfants, cache-toi bien, le mieux que tu pourras.

La douleur de vous quitter, personne ne pourra guérir, sauf la fin de cette maudite guerre. Je t’embrasse et j’embrasse surtout mes enfants chéris.

.................... [phrase illisible].

J’embrasse tous nos amis et, avec un peu d’espoir, bientôt nous nous reverrons.

Je vous embrasse tous.

Jacques

Henriette, n’oublie pas les enfants. Je t’embrasse.

Hier j’ai écrit une lettre détaillée.
Ne te laisse pas attraper par ces criminels.
Je t’embrasse et aussi les enfants.


Genia et Lazar, (ma tante et mon oncle)

Je vous quitte mais certainement pas pour longtemps. J’ai beaucoup à écrire mais je ne suis pas moralement en état de le faire. Je vous dis au revoir, bientôt. Je vous embrasse, et aussi [illisible].

Faites attention à vous.