Naître coupable - Naître victime

par Peter Sichrovsky

 

Traduit de l'allemand par Klaus Schuffels et Alain Brossat, préface de Gilles Perrault, édition Seuil, 1991, collection Points Actuels, pour la traduction française.

Ce livre est traduit de l'ouvrage allemand « Wir wissen nicht was morgen wird, wir wissen wohl was gestern war » [traduction littérale : « Nous ne savons pas ce que sera demain, mais nous savons très bien ce que fut hier »] par Peter Sichrovsky. L'auteur, juif, est né à Vienne (Autriche) en 1947. Écrivain et journaliste, il a été l'un des premiers à mettre au jour l'affaire Waldheim.

Voici ce que nous apprend la quatrième page de couverture de cette édition :
Vingt-huit interviews croisées d'enfants de bourreaux ou enfants de victimes [autrichiens], nés de parents nazis ou nés de parents juifs, adolescents de quinze ans ou adultes de quarante-cinq ans, vivant en Allemagne ou en Autriche. Ils racontent leur vie, témoignent des séquelles de l'Holocauste dans leur famille, dans leur pays, dans leur vie quotidienne, hier et aujourd'hui, ici et ailleurs. Partout, toujours. Loin des études historiques, des essais théoriques, des discours édifiants, ces interviews - qui sont autant de terribles romans -, constituent une approche vécue, cruellement contemporaine qui vaut, et de loin, tous les manuels pédagogiques sur l'antisémitisme.

Extraits du post-scriptum de Peter Sichrovsky :
Ce n'est pas tant la peur de mourir qui active en nous ces fantasmes que la rage et le désespoir nourris par ce qui s'est passé. Il ne faut plus que cela puisse se reproduire. Plus jamais nous ne réagirons aux premiers symptômes en nous disant qu'il n'y a pas de quoi fouetter un chat.
La génération montante, elle, perçoit les choses tout autrement. Nos enfants se sentent chez eux, ici, ils se sentent allemands ou autrichiens et ont peur de devoir s'en aller. Ils nous parlent de leurs amis, sont fiers de leur pays ; nombre d'entre eux préféreraient, si l'on assistaient à un regain d'antisémitisme, rentrer dans leur coquille, se cacher, renoncer à leur patrie. Ils ne peuvent pas concevoir que l'on entreprenne à nouveau, en Autriche ou en Allemagne, d'anéantir systématiquement les Juifs. C'est cela qui les distingue de nous.
Presque toutes les personnes de ma génération que j'ai interviewées - et moi avec elles - sont convaincues que les Allemands et les Autrichiens d'aujourd'hui sont parfaitement capables de recommencer... Croire que les gens - dans ces deux pays surtout - puissent être habités par un sentiment de culpabilité tel qu'il interdise que tout cela se répète relève d'une forme de naïveté que nous ne pouvons plus nous permettre.

Extraits de la préface de Gilles Perrault :
L'auteur a choisi de taire le sinistre palmarès de chacun. Ses bourreaux sont aussi divers que possible. Mais ils ont un dénominateur commun : aucun ne renie son passé. Nul vrai remords ni regret authentique - sinon d'avoir perdu la partie.
[...] « Le ventre est encore fécond, d'où sortit la bête immonde. » C'est une façon de dire les choses. Une autre consisterait à se demander - n'est-ce pas l'ultime énigme à résoudre ? - pourquoi tout un peuple suivit si gaiement le moustachu joueur de flûte.

S'agissant d'interviews de « seconde » ou « troisième génération », je ne peux que vous recommander la lecture de ce livre, terrible mais édifiant en ce qui concerne la vigilance qui ne devra sans doute jamais nous quitter. Il faut toutefois noter que le 16 octobre 1996 Peter Sichrovsky a été élu député européen du FPO, le parti néo-nazi autrichien de Joerg Haider.

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© Éric et Dominique Blum -